La Redoute, c’est 88 millions de pertes nettes en 2013. C’est aussi l’entreprise dans laquelle le groupe Galeries Lafayette a pris une participation majoritaire en août dernier. “Success story” du digital Français, l’enseigne a réussi en moins de 4 ans à se transformer d’un catalogue vieillissant à un site e-commerçant de pointe qui pilote par la data. Tout simplement par le biais d’une digitalisation réussie dans 3 domaines capitaux.La Redoute est un des 1ers retailers français à se doter d’un magasin internet, en 1999. Mais l’entreprise tarde à réaliser complètement le virage digital en se concentrant trop longtemps sur la VPC. L’apparition de pure-players e-commerce et de retailers “fast fashion”, inondant le marché, vont contraindre La Redoute à revoir son offre et son mode de fonctionnement.
Nouvelle offre
Avant tout, La Redoute va modifier son offre en passant de 2 collections par an (printemps/été, automne/hiver) à 8 collections par an. Se rapprochant ainsi de la “fast-fashion”, cela lui permet de mieux répondre aux attentes de ses clients. Le développement digital de l’entreprise, même si amorcé très tôt, va être plus abouti avec notam
ment le développement du m-commerce par une application personnalisable. Aujourd’hui, 90% du chiffre d'affaires est réalisé en ligne, le mobile représentant plus de 50% du trafic. La création de la marketplace en ligne, où des vendeurs partenaires proposent des produits directement au consommateur et se chargent de la livraison et du suivi client, permet aussi à l’entreprise de diversifier son offre pour générer du trafic naturel. Enfin, La Redoute s’est lancée dans une stratégie de phygital, combinant son offre en ligne avec l’ouverture de plusieurs magasins AM.PM. et La Redoute Intérieur (donc essentiellement axés mobilier), et l’ouverture prochaine d’une boutique dans le centre de Lyon axée sur la mode.
Un investissement marketing orienté sur le digital
N’oublions pas que La Redoute, c’est aussi une marque présente à l'étranger (6 pays), avec 30% du chiffre d'affaires réalisé à l’international. La Redoute parie aussi sur son développement en dehors de France pour continuer à croître.Pour se réinventer, La Redoute a dû reconsidérer ses investissements marketing. A commencer par le catalogue, qui malgré son caractère nostalgique, ne pouvait pas se permettre d’accaparer une part importante du budget. La réduction de sa part de 70% à 25% des dépenses a permis à la marque de réinvestir dans le digital et la communication.Dans ces domaines, La Redoute est bien consciente de la nécessité d’une expérience cross-canal. D'où le développement de l’application, dont l’objectif sera de renforcer l’aspect émotionnel de l’achat (comme le faisait le catalogue) pour arriver au-delà de l’aspect purement transactionnel. La marque souhaite aussi augmenter sa présence sur les réseaux sociaux, que ce soit simplement par post publicitaire ou encore par vidéos. Enfin, le développement de l’IA est aussi au sein de la digitalisation, avec la mise en place de chatbots pour améliorer le service client.Le virage peut-être le plus tranchant effectué par l’entreprise, dans le cadre de sa stratégie de phygital, a été l’ouverture de plusieurs magasins au cours des dernières années. Se distançant ainsi de son passé de VPC, La Redoute s’inscrit aussi dans la stratégie plus large du groupe Galeries Lafayette. Les différents magasins AM.PM. et La Redoute Intérieur s’inscrivent pour l’instant dans une logique de showroom, pour générer du trafic sur les plateformes digitales de la marque (site et application), plutôt que d’achat en magasin. Mais comme nous avons vu précédemment avec l’ouverture du magasin de Lyon, La Redoute souhaite dépasser cette logique de showroom pour avoir quelques boutiques de mode (sans non plus devenir un retailer classique), toujours dans le but plus large de la génération de trafic.
Transformation culturelle de l'entreprise
Cependant, toutes ces transformations évoquées précédemment ne seraient possibles sans une transformation de la culture et de l’usage digital en interne. Chacune dépend en effet à un moment ou autre du passage au digital dans le domaine en question.La digitalisation de l’entreprise nécessite une transformation culturelle sur le lieu de travail. Ce qui s’effectue notamment par l’utilisation d’outils collaboratifs (comme Trello). Ces outils, sous formes multiples de nos jours, permettent aux employés de mieux comprendre et suivre l'évolution de leurs tâches, renforce la cohésion au sein d’une équipe; en bref, améliorer la qualité et la compréhension du travail effectué. En résumé, le passage à une culture relationnelle.Pour placer le digital et la data au cœur de l’entreprise, La Redoute a profondément remanié son organisation interne. Ce qui commence par la création de nouveaux postes (comme le CDO Chief Data Officer) et l’organisation de toute une équipe autour de la data. On assiste aussi à la mise en place d’une DMP performante, avec de nombreux segments clients pour piloter leurs stratégies marketing. L’ensemble de ces structures est mis en place avec l’objectif de mieux lire la data, et donc pouvoir mieux mettre en oeuvre les informations qu’ils en retirent et prendre ainsi de meilleurs décisions. A terme, le but de tous ces changements est d’avoir une organisation complètement “data-driven”. La data pourra donc se muer d’une information vers une donnée prédictive et permettant la recommandation client.Trois transformations capitales ont donc permis à La Redoute de se re-dynamiser, et pérenniser son activité à travers le rachat par les Galeries Lafayette. La digitalisation de l’entreprise va lui permettre d’optimiser son offre, de définir sa stratégie marketing, et d'être plus efficace dans de nombreux domaines en interne. Sommes toutes, on peut dire que La Redoute s’est “amazonifiée”avec succès. La diversification de l’offre et la création de la marketplace mettant une large sélection de produits à quelques clics du consommateur, qui reçoit son produit à domicile dans les jours qui suivent (voire le jour même!). Amazon qui aussi se lance dans une stratégie de phygital par le biais du rachat de Wholefoods. Deux success-stories aux échelles différentes, mais à suivre d’aussi près.
Rémi Fau @Alphalyr